Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/69

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ser sur des héraldismes vertigineux. Il ne trouva rien d’assez plausible, rien d’assez émerveillant, ne sachant pas ce qu’il fallait dire. D’ailleurs, son pantalon trop court, sa veste trop large, en forme de flottante guérite, qui protestaient de la modestie de leur origine, le découragèrent, le rappelèrent à la réalité de sa condition. Puis il comprit que ce serait vil de mentir ainsi, se souvint des paroles que ne cessait de lui répéter son père : « Il faut toujours être soumis et respectueux envers les personnes plus élevées que soi, par la fortune et par la naissance. » Et, d’une voix tremblée, où pleurait toute l’humilité d’un aveu, il murmura :

— Papa ?… Il est quincaillier.

Ce fut aussitôt un éclat de rire, une explosion de moqueries qui lui éclaboussèrent la figure, ainsi qu’un jet de boue.

— Quincaillier !… Ha ! ha ! ha ! quincaillier !… Tu es venu ici pour rétamer des casseroles, dis ?… Tu repasseras mon couteau, hein ?… Qu’est-ce qu’on te paie par jour, pour nettoyer les lampes ?… Quincaillier !… Hé là-bas !… Il est quincaillier !… Hou !… hou !… hou !…

Le rire alla se perdant, ironiquement scandé par la fuite de deux pas. Sébastien leva les yeux. Guy de Kerdaniel n’était plus là… Il avait rejoint un groupe d’élèves auxquels, gesticulant, il racontait déjà l’extraordinaire et scandaleuse aventure d’un quincaillier égaré parmi de jeunes nobles. Des cris de surprise, de protestation, des exclamations indignées, éclatèrent… Un quincaillier ! qu’est-ce que ça mangeait !… un quincaillier !… c’était peut-être venimeux !… Quelques-uns proposèrent de donner la chasse à cette bête inconnue