Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/233

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Mascarille

Ha ! Monsieur, serviteur.

Éraste

Vous nous fuyez bien vite ! Hé quoi ? Vous fais-je peur ?

Mascarille

Je ne crois pas cela de votre courtoisie.

Éraste

Touche : nous n’avons plus sujet de jalousie ;
Nous devenons amis, et mes feux, que j’éteins,
Laissent la place libre à vos heureux desseins.


Mascarille

Plût à Dieu !


Éraste

Gros-René sait qu’ailleurs je me jette.


Gros-René

Sans doute, et je te cède aussi la Marinette.


Mascarille

Passons sur ce point-là : notre rivalité
N’est pas pour en venir à grande extrémité.
Mais est-ce un coup bien sûr que votre seigneurie
Soit désenamourée, ou si c’est raillerie ?


Éraste

J’ai su qu’en ses amours ton maître étoit trop bien ;
Et je serois un fou de prétendre plus rien
Aux étroites faveurs qu’il a de cette belle.


Mascarille

Certes vous me plaisez avec cette nouvelle.
Outre qu’en nos projets je vous craignois un peu,
Vous tirez sagement votre épingle du jeu.
Oui, vous avez bien fait de quitter une place
Où l’on vous caressoit pour la seule grimace ;
Et mille fois, sachant tout ce qui se passoit,
J’ai plaint le faux espoir dont on vous repaissoit :
On offense un brave homme alors que l’on l’abuse.
Mais d’où diantre, après tout, avez-vous su la ruse ?
Car cet engagement mutuel de leur foi
N’eut pour témoins, la nuit, que deux autres et moi ;
Et l’on croit jusqu’ici la chaîne fort secrète,
Qui rend de nos amants la flamme satisfaite.


Éraste