Aller au contenu

Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/114

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sganarelle

Pardonnez-moi, monsieur, je viens seulement d’ici près. Je crois que cet habit est purgatif, et que c’est prendre médecine que de le porter.

Don Juan

Peste soit l’insolent ! Couvre au moins ta poltronnerie d’un voile plus honnête. Sais-tu bien qui est celui à qui j’ai sauvé la vie ?

Sganarelle

Moi ? non.

Don Juan

C’est un frère d’Elvire.

Sganarelle

Un…

Don Juan

Il est assez honnête homme, il en a bien usé, et j’ai regret d’avoir démêlé avec lui.

Sganarelle

Il vous serait aisé de pacifier toutes choses.

Don Juan

Oui ; mais ma passion est usée pour done Elvire, et l’engagement ne compatit point avec mon humeur. J’aime la liberté en amour, tu le sais, et je ne saurais me résoudre à renfermer mon cœur entre quatre murailles. Je te l’ai dit vingt fois, j’ai une pente naturelle à me laisser aller à tout ce qui m’attire. Mon cœur est à toutes les belles, et c’est à elles à le prendre tour à tour, et à le garder tant qu’elles le pourront. Mais quel est le superbe édifice que je vois entre ces arbres ?

Sganarelle

Vous ne le savez pas ?

Don Juan

Non, vraiment.

Sganarelle

Bon ; c’est le tombeau que le commandeur faisait faire lorsque vous le tuâtes.

Don Juan

Ah ! tu as raison. Je ne savais pas que c’était de ce côté-ci qu’il était. Tout le monde m’a dit des merveilles de cet ouvrage, aussi bien que de la statue du commandeur ; et j’ai envie de l’aller voir.