Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/138

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Don Juan

Spectre, fantôme, ou diable, je veux voir ce que c’est.

(Le spectre change de figure, et représente le Temps, avec sa faux à la main.)
Sganarelle

Ô ciel ! voyez-vous, monsieur, ce changement de figure ?

Don Juan

Non, non, rien n’est capable de m’imprimer de la terreur ; et je veux éprouver, avec mon épée, si c’est un corps ou un esprit.

(Le Spectre s’envole, dans le temps que don Juan le veut frapper.)
Sganarelle

Ah ! monsieur, rendez-vous à tant de preuves, et jetez-vous vite dans le repentir.

Don Juan

Non, non, il ne sera pas dit, quoi qu’il arrive, que je sois capable de me repentir. Allons, suis-moi.



Scène VI

LA STATUE DU COMMANDEUR, DON JUAN, SGANARELLE.
La Statue

Arrêtez, don Juan. Vous m’avez hier donné parole de venir manger avec moi.

Don Juan

Oui. Où faut-il aller ?

La Statue

Donnez-moi la main.

Don Juan

La voilà.

La Statue

Don Juan, l’endurcissement au péché traîne une mort funeste ; et les grâces du ciel que l’on renvoie ouvrent un chemin à sa foudre.

Don Juan

Ô ciel ! que sens-je ? un feu invisible me brûle, je n’en puis plus, et tout mon corps devient un brasier ardent. Ah !

(Le tonnerre tombe avec un grand bruit et de grands éclairs sur don Juan ; la terre s’ouvre et l’abîme ; et il sort de grands feux de l’endroit où il est tombé.)