Et ne prenions grand soin de nous dire, entre nous,
Ce que nous entendrons, vous de moi, moi de vous.
C’est en moi que l’on peut trouver fort à reprendre.
Et chacun a raison, suivant l’âge ou le goût
Il est une saison pour la galanterie,
Il en est une aussi propre à la pruderie.
On peut, par politique, en prendre le parti,
Quand de nos jeunes ans l’éclat est amorti ;
Cela sert à couvrir de fâcheuses disgrâces.
Je ne dis pas qu’un jour je ne suive vos traces :
L’âge amènera tout ; et ce n’est pas le temps
Madame, comme on sait, d’être prude à vingt ans.
Et vous faites sonner terriblement votre âge.
Ce que de plus que vous on en pourrait avoir
N’est pas un si grand cas pour s’en tant prévaloir[1] ;
Et je ne sais pourquoi votre âme ainsi s’emporte,
Madame, à me pousser de cette étrange sorte.
On vous voit en tous lieux vous déchaîner sur moi.
Faut-il de vos chagrins sans cesse à moi vous prendre ?
Et puis-je mais des soins qu’on ne va pas vous rendre ?
Si ma personne aux gens inspire de l’amour,
Et si l’on continue à m’offrir chaque jour
Les vœux que votre cœur peut souhaiter qu’on m’ôte,
Je n’y saurais que faire, et ce n’est pas ma faute ;
Vous avez le champ libre, et je n’empêche pas
Que, pour les attirer, vous n’ayez des appas.
De ce nombre d’amants dont vous faites la vaine,
Et qu’il ne nous soit pas fort aisé de juger
- ↑ N’est pas un si grand cas dans le sens de : n’est pas une si grande chose.