On n’exécute pas tout ce qui se propose ;
Et le chemin est long du projet à la chose.
Et qu’à l’oreille un peu je lui dise deux mots.
Laissez agir les soins de votre belle-mère.
Sur l’esprit de Tartuffe elle a quelque crédit,
Il se rend complaisant à tout ce qu’elle dit,
Et pourrait bien avoir douceur de cœur pour elle.
Plût à Dieu qu’il fût vrai ! la chose serait belle[1].
Enfin, votre intérêt l’oblige à le mander :
Sur l’hymen qui vous trouble elle veut le sonder,
Savoir ses sentiments, et lui faire connaître
Quels fâcheux démêlés il pourra faire naître,
S’il faut qu’à ce dessein il prête quelque espoir.
Son valet dit qu’il prie, et je n’ai pu le voir ;
Mais ce valet m’a dit qu’il s’en allait descendre.
Sortez donc, je vous prie, et me laissez l’attendre.
Sortez.
Damis va se cacher dans un cabinet qui est au fond du théâtre.
- ↑ Déjà trois fois les spectateurs ont été prévenus des sentiments de Tartuffe pour Elmire : ils le seront encore une quatrième, et la déclaration suivra aussitôt. Molière avait besoin d’avertir le public d’une scène aussi extraordinaire ; et c’est en lui promettant longtemps d’avance un plaisir, celui de surprendre les secrets de l’hypocrite, qu’il prépare cette scène, et qu’il en établit la vraisemblance.
(Aimé Martin.)