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Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/441

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1385Ce sont vos intérêts, vous en serez le maître ;
Et… L’on vient. Tenez-vous, et gardez de paraître.



Scène 5

Tartuffe, Elmire ; Orgon, sous la table.


Tartuffe
On m’a dit qu’en ce lieu vous me vouliez parler.


Elmire
Oui, l’on a des secrets à vous y révéler.

Mais tirez cette porte avant qu’on vous les dise ;
1390Et regardez partout de crainte de surprise.
(Tartuffe va fermer la porte, et revient.)
Une affaire pareille à celle de tantôt
N’est pas assurément ici ce qu’il nous faut :
Jamais il ne s’est vu de surprise de même.
Damis m’a fait pour vous une frayeur extrême ;
1395Et vous avez bien vu que j’ai fait mes efforts
Pour rompre son dessein et calmer ses transports.
Mon trouble, il est bien vrai, m’a si fort possédée,
Que de le démentir je n’ai point eu l’idée :
Mais par là, grâce au ciel, tout a bien mieux été,
1400Et les choses en sont dans plus de sûreté.
L’estime où l’on vous tient a dissipé l’orage,
Et mon mari de vous ne peut prendre d’ombrage.
Pour mieux braver l’éclat des mauvais jugements,
Il veut que nous soyons ensemble à tous moments ;
1405Et c’est par où je puis, sans peur d’être blâmée,
Me trouver ici seule avec vous enfermée,
Et ce qui m’autorise à vous ouvrir un cœur
Un peu trop prompt peut-être à souffrir votre ardeur.

Tartuffe
Ce langage à comprendre est assez difficile,

1410Madame ; et vous parliez tantôt d’un autre style.

Elmire
Ah ! si d’un tel refus vous êtes en courroux,

Que le cœur d’une femme est mal connu de vous !
Et que vous savez peu ce qu’il veut faire entendre
Lorsque si faiblement on le voit se défendre !
1415Toujours notre pudeur combat, dans ces moments,
Ce qu’on peut nous donner de tendres sentiments.
Quelque raison qu’on trouve à l’amour qui nous dompte,