Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/489

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Je dusse les faveurs que je reçois de vous.
Et que la qualité que j’ai de votre époux
Ne fût point ce qui me les donne.

Alcmène
C’est de ce nom pourtant que l’ardeur qui me brûle
Tient le droit de paraître au jour,
Et je ne comprends rien à ce nouveau scrupule
Dont s’embarrasse votre amour.

Jupiter
Ah ! ce que j’ai pour vous d’ardeur et de tendresse
Passe aussi celle d’un époux,
Et vous ne savez pas, dans des moments si doux,
Quelle en est la délicatesse.
Vous ne concevez point qu’un cœur bien amoureux
Sur cent petits égards s’attache avec étude,
Et se fait une inquiétude
De la manière d’être heureux.
En moi, belle et charmante Alcmène,
Vous voyez un mari, vous voyez un amant ;
Mais l’amant seul me touche, à parler franchement,
Et je sens, près de vous, que le mari le gêne.
Cet amant, de vos vœux jaloux au dernier point,
Souhaite qu’à lui seul votre cœur s’abandonne,
Et sa passion ne veut point
De ce que le mari lui donne.
Il veut de pure source obtenir vos ardeurs,
Et ne veut rien tenir des nœuds de l’hyménée,
Rien d’un fâcheux devoir qui fait agir les cœurs,
Et par qui, tous les jours, des plus chères faveurs
La douceur est empoisonnée.
Dans le scrupule enfin dont il est combattu,
Il veut, pour satisfaire à sa délicatesse,
Que vous le sépariez d’avec ce qui le blesse,
Que le mari ne soit que pour votre vertu,
Et que de votre cœur, de bonté revêtu,
L’amant ait tout l’amour et toute la tendresse.

Alcmène
Amphitryon, en vérité,
Vous vous moquez de tenir ce langage,
Et j’aurais peur qu’on ne vous crût pas sage,
Si de quelqu’un vous étiez écouté.