Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/64

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


DON JUAN,


OU


LE FESTIN DE PIERRE.


COMÉDIE EN CINQ ACTES.


1685





NOTICE.


Un commentateur à qui l’on doit de précieuses recherches sur les sources où Molière a puisé les premières données de ses inspirations dramatiques, M. Aimé Martin, cite, d’après une brochure anonyme, une anecdote espagnole, comme offrant le sujet du Festin de Pierre.

« Les chroniques de Séville, dit M. Aimé Martin, parlent de don Juan Tenorio, l’un des vingt-quatre, homme débauché, pervers, et mettant son immoralité sous la protection de son rang ; il enleva la fille du commandeur Gonzalo de Ulloa, et joignit au rapt l’homicide : le vieillard, essayant de poursuivre le ravisseur, tomba percé d’un coup d’épée ; sa famille, au désespoir, ne put obtenir justice : elle fut obligée de dévorer en silence sa honte et sa douleur. Don Juan, enhardi par son triomphe, épouvantoit Séville ; nul n’osoit lui faire obstacle.

» Le commandeur avoit été inhumé dans l’église des moines de Saint-François, où la famille de Ulloa avoit une chapelle. Ces religieux, du fond de leur cloître, entreprirent d’arrêter don Juan au milieu de sa carrière criminelle, et de suppléer à l’impuissance des lois ou à la lâcheté des magistrats. Un seul moyen se présenta à eux : la mort du coupable. Don Juan fut condamné. Il reçut une lettre d’une femme inconnue qui se disoit jeune et belle, et qui lui donnoit rendez-vous dans l’église des franciscains, à une heure avancée de la nuit. Don Juan y alla, et n’en revint jamais ; son corps même ne fut pas retrouvé. Les moines, le lendemain, firent courir le bruit que don Juan