nos intérêts. Il vient. Je me retire. Prenez ce temps pour lui parler, et ne lui découvrez de notre affaire que ce que vous jugerez à propos.
Je ne sais si j’aurai la force de lui faire cette confidence.
Scène II
Je suis bien aise de vous trouver seule, ma sœur ; et je brûlais de vous parler, pour m’ouvrir à vous d’un secret.
Me voilà prête à vous ouïr, mon frère. Qu’avez-vous à me dire ?
Bien des choses, ma sœur, enveloppées dans un mot. J’aime.
Vous aimez ?
Oui, j’aime. Mais, avant que d’aller plus loin, je sais que je dépends d’un père, et que le nom de fils me soumet à ses volontés ; que nous ne devons point engager notre foi sans le consentement de ceux dont nous tenons le jour ; que le ciel les a faits les maîtres de nos vœux, et qu’il nous est enjoint de n’en disposer que par leur conduite ; que, n’étant prévenus d’aucune folle ardeur, ils sont en état de se tromper bien moins que nous et de voir beaucoup mieux ce qui nous est propre ; qu’il en faut plutôt croire les lumières de leur prudence que l’aveuglement de notre passion ; et que l’emportement de la jeunesse nous entraîne le plus souvent dans des précipices fâcheux. Je vous dis tout cela, ma sœur, afin que vous ne vous donniez pas la peine de me le dire ; car enfin mon amour ne veut rien écouter, et je vous prie de ne me point faire de remontrances.
Vous êtes-vous engagé, mon frère, avec celle que vous aimez ?
Non ; mais j’y suis résolu, et je vous conjure encore une fois de ne me point apporter de raisons pour m’en dissuader.