Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/404

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Tu n'en fais pas ainsi, toi qui seul m'as ravie,
Amant, que j'aime encor cent fois plus que ma vie,
Et qui brises de si beaux nœuds.
1805 Ne me fuis plus, et souffre que j'espère
Que tu pourras un jour rabaisser l'œil sur moi,
Qu'à force de souffrir j'aurai de quoi te plaire,
De quoi me rengager ta foi.
Mais ce que j'ai souffert m'a trop défigurée,
1810 Pour rappeler un tel espoir;
L'œil abattu, triste, désespérée,
Languissante et décolorée,
De quoi puis-je me prévaloir,
Si par quelque miracle impossible à prévoir,
1815 Ma beauté qui t'a plu ne se voit réparée?
Je porte ici de quoi la réparer,
Ce trésor de beauté divine
Qu'en mes mains pour Vénus a remis Proserpine,
Enferme des appas dont je puis m'emparer,
1820 Et l'éclat en doit être extrême,
Puisque Vénus la beauté même
Les demande pour se parer.
En dérober un peu serait-ce un si grand crime?
Pour plaire aux yeux d'un Dieu qui s'est fait mon amant,
1825 Pour regagner son cœur, et finir mon tourment,
Tout n'est-il pas trop légitime?
Ouvrons. Quelles vapeurs m'offusquent le cerveau,
Et que vois-je sortir de cette boîte ouverte?
Amour, si ta pitié ne s'oppose à ma perte,
1830 Pour ne revivre plus, je descends au tombeau.

Elle s'évanouit, et l'Amour descend auprès d'elle en volant.

SCÈNE IV

L'AMOUR, PSYCHÉ évanouie.

L'AMOUR
Votre péril, Psyché, dissipe ma colère,
Ou plutôt de mes feux l'ardeur n'a point cessé,
Et bien qu'au dernier point vous m'ayez su déplaire,
Je ne me suis intéressé
1835 Que contre celle de ma mère.
J'ai vu tous vos travaux, j'ai suivi vos malheurs,
Mes soupirs ont partout accompagné vos pleurs;
Tournez les yeux vers moi, je suis encor le même.