Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/409

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si Psyché perd le jour,
Si Psyché n'est à moi, je ne suis plus l'Amour.
Oui, je romprai mon arc, je briserai mes flèches,
1980 J'éteindrai jusqu'à mon flambeau,
Je laisserai languir la Nature au tombeau;
Ou si je daigne aux cœurs faire encor quelques brèches,
Avec ces pointes d'or qui me font obéir
Je vous blesserai tous là-haut pour des mortelles,
1985 Et ne décocherai sur elles
Que des traits émoussés qui forcent à haïr,
Et qui ne font que des rebelles,
Des ingrates, et des cruelles.
Par quelle tyrannique loi
1990 Tiendrai-je à vous servir mes armes toujours prêtes,
Et vous ferai-je à tous conquêtes sur conquêtes,
Si vous me défendez d'en faire une pour moi?

JUPITER
Ma fille, sois-lui moins sévère.
Tu tiens de sa Psyché le destin en tes mains,
1995 La Parque au moindre mot va suivre ta colère,
Parle, et laisse-toi vaincre aux tendresses de mère,
Ou redoute un courroux que moi-même je crains.
Veux-tu donner le monde en proie
À la haine, au désordre, à la confusion,
2000 Et d'un Dieu d'union,
D'un Dieu de douceurs et de joie,
Faire un Dieu d'amertume et de division?
Considère ce que nous sommes,
Et si les passions doivent nous dominer,
2005 Plus la vengeance a de quoi plaire aux hommes,
Plus il sied bien aux Dieux de pardonner.

VÉNUS
Je pardonne à ce fils rebelle;
Mais voulez-vous qu'il me soit reproché
Qu'une misérable mortelle,
2010 L'objet de mon courroux, l'orgueilleuse Psyché,
Sous ombre qu'elle est un peu belle,
Par un hymen dont je rougis,
Souille mon alliance, et le lit de mon fils?

JUPITER
Hé bien, je la fais immortelle,