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ACTE II, SCÈNE VII.

Bélise.
Ce sont les noms des mots ; et l’on doit regarder
En quoi c’est qu’il les faut faire ensemble accorder.

Martine.
Qu’ils s’accordent entre eux, ou se gourment, qu’importe ?

Philaminte, à Bélise.
Hé ! mon Dieu ! finissez un discours de la sorte.
(À Chrysale.)
Vous ne voulez pas, vous, me la faire sortir ?

Chrysale.
Si fait.
(À part.)
Si fait. À son caprice il me faut consentir.
Va, ne l’irrite point ; retire-toi, Martine.

Philaminte.
Comment ! vous avez peur d’offenser la coquine !
Vous lui parlez d’un ton tout à fait obligeant !

Chrysale, bas.
Moi ? Point.
(D’un ton ferme.)
Moi ? Point. Allons, sortez.
(D’un ton plus doux.)
Moi ? Point. Allons, sortez. Va-t’en, ma pauvre enfant.


Scène VII.

Philaminte, Chrysale, Bélise.

Chrysale.
Vous êtes satisfaite, et la voilà partie ;
Mais je n’approuve point une telle sortie :
C’est une fille propre aux choses qu’elle fait,
Et vous me la chassez pour un maigre sujet.

Philaminte.
Vous voulez que toujours je l’aie à mon service,
Pour mettre incessamment mon oreille au supplice,
Pour rompre toute loi d’usage et de raison,
Par un barbare amas de vices d’oraison,
De mots estropiés, cousus, par intervalles,
De proverbes traînés dans les ruisseaux des halles[1] ?

  1. Les Lois de la Galanterie, espère de code philologique à l’usage des précieuses, imprimé en 1658, dans le Recueil de plusieurs pièces en prose les plus agréables du temps, montrent que Molière n’a point exagéré les ridicules de Philaminte. « Vous parlerez toujours dans les termes les plus polis dont la cours reçoive l’usage, fuyant ceux qui sont trop anciens. Vous vous garderez surtout d’une de proverbes et de quolibets, car si vous vous en serviez, ce seroit parler en bourgeois, et le langage des halles. S’il y a des mots inventés depuis peu, et dont les gens du monde prennent plaisir de se servir, ce sont ceux-là qu’on doit avoir incessamment à la bouche, etc. »