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ACTE III, SCÈNE V.

Trissotin.
Rien qui soit plus charmant que vos petits rondeaux ?

Vadius.
Rien de si plein d’esprit que tous vos madrigaux ?

Trissotin.
Aux ballades surtout vous êtes admirable.

Vadius.
Et dans les bouts-rimés je vous trouve adorable.

Trissotin.
Si la France pouvait connoître votre prix,

Vadius.
Si le siècle rendoit justice aux beaux esprits,

Trissotin.
En carrosse doré vous iriez par les rues.

Vadius.
On verroit le public vous dresser des statues.

(À Trissotin.)

Hom ! C’est une ballade, et je veux que tout net
Vous m’en…
Trissotin, à Vadius.
Vous m’en… Avez-vous vu certain petit sonnet
Sur la fièvre qui tient la princesse Uranie ?

Vadius.
Oui ; hier il me fut lu dans une compagnie.

Trissotin.
Vous en savez l’auteur ?

Vadius.
Vous en savez l’auteur ? Non ; mais je sais fort bien,
Qu’à ne le point flatter, son sonnet ne vaut rien.

Trissotin.
Beaucoup de gens pourtant le trouvent admirable.

Vadius.
Cela n’empêche pas qu’il ne soit misérable.
Et, si vous l’avez vu, vous serez de mon goût.

Trissotin.
Je sais que là-dessus je n’en suis point du tout
Et que d’un tel sonnet peu de gens sont capables.

Vadius.
Me préserve le Ciel d’en faire de semblables !

Trissotin.
Je soutiens qu’on ne peut en faire de meilleur ;