Je suis bien aise d’avoir appris un tel secret ; et voilà justement ce que je demandois. (Haut.) Or sus, mon fils, savez-vous ce qu’il y a ? C’est qu’il faut songer, s’il vous plaît, à vous défaire de votre amour, à cesser toutes vos poursuites auprès d’une personne que je prétends pour moi, et à vous marier dans peu avec celle qu’on vous destine[1].
Oui, mon père ; c’est ainsi que vous me jouez ! Eh bien ! puisque les choses en sont venues là, je vous déclare, moi, que je ne quitterai point la passion que j’ai pour Mariane ; qu’il n’y a point d’extrémité où je ne m’abandonne pour vous disputer sa conquête ; et que, si vous avez pour vous le consentement d’une mère, j’aurai d’autres secours, peut-être, qui combattront pour moi.
Comment, pendard ! tu as l’audace d’aller sur mes brisées !
C’est vous qui allez sur les miennes, et je suis le premier en date.
Ne suis-je pas ton père ? et ne me dois-tu pas respect ?
Ce ne sont point ici des choses où les enfants soient obligés de déférer aux pères, et l’amour ne connoît personne.
Je te ferai bien me connoître avec de bons coups de bâton.
Toutes vos menaces ne feront rien.
Tu renonceras à Mariane.
Point du tout.
Donnez-moi un bâton tout à l’heure.
- ↑ L’épreuve de l’Avare sur le cœur de son fils est la même que celle de Mithridate dans la tragédie de Racine. Harpagon et le roi de Pont sont deux vieillards amoureux ; l’un et l’autre ont leur fils pour rival, l’un et l’autre se servent du même artifice pour découvrir l’intelligence qui est entre leur fils et leur maitresse, et les deux pièces finissent par le mariage du jeune homme. (Voltaire.)