Page:Molière - Œuvres complètes, Garnier, 1904, tome 01.djvu/18

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ŒUVRES COMPLÈTES DE MOLIÈRE vill

Le nouveau Molière fut ignoré pendant tout le temps que durèrent les guerres civiles en France ; il employa ces années à cultiver son talent et à préparer quelques pièces. Il avait fait un recueil de scènes italiennes, dont il faisait de petites comédies pour les provinces. Ces premiers essais, très informes, tenaient plus du mauvais théâtre italien, où il les avait pris, que de son génie, qui n’avait pas eu encore l’occasion de se développer tout entier. Le génie s’étend et se resserre par tout ce qui nous environne. Il fit donc pour la province le Docteur amoureux, les Trois docteurs rivaux, le Maître d’école, ouvrages dont il ne reste que le titre. Quelques curieux ont conservé deux pièces de Molière dans ce genre : l’une est le Médecin volant, et l’autre la Jalousie de Barbouillé 1 . Elles sont en prose et écrites en entier. Il y a quelques phrases et quelques incidents de la première qui nous sont conservés dans le Médecin malgré lui ; et on trouve dans la Jalousie de Barbouillé un canevas, quoique informe, du troisième acte de George Dandin.

La première pièce régulière en cinq actes qu’il composa fut l’Étourdi. Il représenta cette comédie à Lyon, en 1653. Il y avait dans cette ville une troupe de comédiens de campagne qui fut abandonnée dès que celle de Molière parut. Quelques acteurs de cette ancienne troupe se joignirent à Molière, et il partit de Lyon pour les états de Languedoc avec une troupe assez complète, composée principalement de deux frères nommés Gros-René, de Duparc, fils d’un pâtissier de la rue Saint-Honoré, de la Duparc, de la Béjart et de la de Brie. Le prince de Conti, qui tenait les états de Languedoc à Béziers, se souvint de Molière, qu’il avait vu au collège ; il lui donna une protection distinguée. Molière joua devant lui l’Étourdi, le Dépit amoureux et les Précieuses ridicules. Cette petite pièce des Précieuses, faite en province, prouve assez que son auteur n’avait eu en vue que les ridicules des provinciales 2 ; mais il se trouva depuis que l’ouvrage pouvait corriger et la cour et la ville. On prétend que le prince 1. Nous avons donné l’une et l’autre en tête de cette édition, non à titre de chefsd’œuvre, bien entendu mais comme un complément curieux des Œuvres complètes de Molière. (F. L.)

2. La comédie des Précieuses ridicule* ne fut point jouée d’abord en province, comme Voltaire le répète d’après Grimarest. Elle fut représentée pour la première fois, à Paris sur le théâtre du Petit-Bourbon, le 18 novembre 1659. Elle eut un succès extraordinaire ; dès la seconde représentation, les comédiens furent obligés d’augmenter le prix des places, pour diminuer l’affluence des spectateurs, qui était excessive. Molière jouait le rôle de Mascarille. (Auger.)