Page:Molière - Œuvres complètes, Garnier, 1904, tome 02.djvu/31

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Et que dois-je après tout à leur magnificence ?
Ce sont soins que produit l’ardeur de m’acquérir,
Et mon cœur est le prix qu’ils veulent tous courir :
Mais quelque espoir qui flatte un projet de la sorte
Je me tromperai fort si pas un d’eux l’emporte.

Cynthie
Jusques à quand ce cœur veut-il s’effaroucher
Des innocents desseins qu’on a de le toucher ?
Et regarder les soins que pour vous on se donne
Comme autant d’attentats contre votre personne ?
Je sais qu’en défendant le parti de l’amour
On s’expose chez vous à faire mal sa cour :
Mais ce que par le sang j’ai l’honneur de vous être
S’oppose aux duretés que vous faites paraître,
Et je ne puis nourrir d’un flatteur entretien
Vos résolutions de n’aimer jamais rien.
Est-il rien de plus beau que l’innocente flamme
Qu’un mérite éclatant allume dans une âme ?
Et serait-ce un bonheur de respirer le jour
Si d’entre les mortels on bannissait l’amour ?
Non, non tous les plaisirs se goûtent à le suivre,
Et vivre sans aimer n’est pas proprement vivre.


AVIS

Le dessein de l’auteur était de traiter ainsi toute la comédie ; mais un commandement du Roi qui pressa cette affaire, l’obligea d’achever tout le reste en prose, et de passer légèrement sur plusieurs scènes, qu’il aurait étendues davantage, s’il avait eu plus de loisir.


Aglante
Pour moi je tiens que cette passion est la plus agréable affaire de la vie, qu’il est nécessaire d’aimer pour vivre heureusement, et que tous les plaisirs sont fades s’il ne s’y mêle un peu d’amour.

La Princesse
Pouvez-vous bien toutes deux, étant ce que vous êtes, prononcer ces paroles ; et ne devez-vous pas rougir d’appuyer une passion qui n’est qu’erreur, que faiblesse et qu’emportement, et dont tous les désordres ont tant de répugnance avec la gloire de notre sexe. J’en prétends soutenir l’honneur jusqu’au dernier moment de ma vie : et ne veux point du tout me commettre à ces gens qui font les esclaves auprès de nous, pour devenir un jour nos tyrans : toutes ces larmes, tous ces soupirs, tous ces hommages, tous ces respects sont des embûches qu’on tend à notre cœur, et qui souvent l’engagent à commettre des lâchetés. Pour moi, quand je regarde