Page:Molière - Œuvres complètes, Garnier, 1904, tome 02.djvu/39

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Le satyre s’en mit en colère, et peu à peu se mettant en posture d’en venir à des coups de poing, les violons reprirent un air sur lequel ils dansèrent une plaisante entrée.


ACTE III

ARGUMENT

La Princesse d’Élide était cependant dans d’étranges inquiétudes : le Prince d’Ithaque avait gagné le prix des courses, elle avait dans la suite de ce divertissement fait des merveilles à chanter et à la danse, sans qu’il parût que les dons de la nature et de l’art eussent été quasi remarqués par le Prince d’Ithaque ; elle en fit de grandes plaintes à la princesse sa parente ; elle en parla à Moron, qui fit passer cet insensible pour un brutal : et enfin le voyant arriver lui-même, elle ne put s’empêcher de lui en toucher fort sérieusement quelque chose : il lui répondit ingénument qu’il n’aimait rien, et qu’hors l’amour de sa liberté, et les plaisirs qu’elle trouvait si agréables de la solitude et de la chasse rien ne le touchait.

Scène première

La Princesse, Aglante, Cynthie, Philis.

Cynthie
Il est vrai, Madame, que ce jeune prince a fait voir une adresse non commune, et que l’air dont il a paru a été quelque chose de surprenant. Il sort vainqueur de cette course ; mais je doute fort qu’il en sorte avec le même cœur qu’il a porté. Car enfin, vous lui avez tiré des traits dont il est difficile de se défendre, et sans parler de tout le reste, la grâce de votre danse, et la douceur de votre voix ont eu des charmes aujourd’hui à toucher les plus insensibles.

La Princesse
Le voici qui s’entretient avec Moron ; nous saurons un peu de quoi il lui parle : ne rompons point encore leur entretien, et prenons cette route pour revenir à leur rencontre.


Scène 2

Euryale, Moron, Arbate.

Euryale
Ah ! Moron, je te l’avoue, j’ai été enchanté, et jamais tant de charmes n’ont frappé tout ensemble mes yeux et mes oreilles. Elle est adorable en tout temps, il est vrai : mais ce moment l’a emporté sur tous les autres, et des grâces nouvelles ont redoublé l’éclat de ses beautés. Jamais son visage ne s’est paré de plus vives couleurs, ni ses yeux ne se sont armés de traits plus vifs et plus perçants. La douceur de sa voix a voulu se faire paraître dans un air tout charmant qu’elle a daigné chanter, et les sons merveilleux qu’elle formait passaient jusqu’au fond de mon âme, et tenaient tous mes sens dans un ravissement à ne pouvoir en revenir. Elle a fait éclater ensuite une disposition toute divine, et ses pieds amoureux sur l’émail d’un tendre gazon traçaient d’aimables caractères qui m’enlevaient hors de moi-même, et