Me font voir un mari, des enfants, un ménage ;
Et je ne vois rien là, si j’en puis raisonner,
Qui blesse la pensée et fasse frissonner.
De tels attachements, ô Ciel ! sont pour vous plaire[1] ?
Que d’attacher à soi, par le titre d’époux,
Un homme qui vous aime et soit aimé de vous,
Et de cette union, de tendresse suivie[2]
Se faire les douceurs d’une innocente vie ?
Ce nœud, bien assorti, n’a-t-il pas des appas[3] ?
Mon Dieu, que votre esprit est d’un étage bas[4] !
Que vous jouez au monde un petit personnage,
De vous claquemurer[5] aux choses du ménage.
Et de n’entrevoir point de plaisirs plus touchants
Qu’un idole[6] d’époux et des marmots d’enfants !
- ↑ Sont faits pour vous plaire ? Ce tour a été relevé un grand nombre de fois : voyez particulièrement au tome VI, p. 235, note 3.
- ↑ De cette union accompagnée de tendresse, de cette tendre union.
- ↑ Même mot au même sens dans le vers 66.
- ↑ Molière a fait du mot étage un même emploi figuré dans sa Préface du Tartuffe (tome IV, p. 383) : « C’est un haut étage de vertu que cette pleine insensibilité où ils veulent faire monter notre âme. »
- ↑ Se claquemurer, se renfermer étroitement. La formation de ce mot, que Furetière nomme un « terme populaire, » est à remarquer ; le rapport qu’ont entre eux ses deux éléments et, par suite, le vrai sens étymologique laissent du doute. À remarquer aussi son emploi avec à, au lieu de dans.
- ↑ Le genre n’était pas encore fixé. « Ceux qui faisaient idole masculin, dit Littré, obéissaient à l’étymologie (le mot est de terminaison neutre en grec et en latin) ; ceux qui le faisaient féminin obéissaient à la terminaison (française), qui est féminine. » Voyez une note de M. Marty-Laveaux, au tome II, p. 3 et 4 du Lexique de Corneille. La Fontaine avait aussi, en 1668, préféré le masculin (dans sa fable viii du livre IV).
Corneille avaient trouvé à admirer dans le roman de l’abbé de Pure (voyez tome II, p. 25, note 1, une citation de Thomas Corneille).