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LIVRE I, CHAP. V

comment était formée l’armée d’attaque, la levée ou légion (legio). Dans la cité romaine tripartite, elle se composait des trois centuries (centuriœ) de cavaliers (celeres, les rapides, ou flexuntes, les caracoleurs) sous le commandement de leurs trois chefs (tribuni celerum)[1],

    on dira : populus Romanus Quiritium comme on dira aussi : colonia colonorum, municipium municipum. En présence de tous ces documents, n’est-ce pas méconnaître et la langue et l’histoire que de persister encore à croire qu’il y ait jamais eu en face de la cité romaine une autre Rome quiritaire qui, à un jour donné, se serait incorporée dans celle-ci, l’étouffant en quelque sorte, et ne laissant plus survivre son nom que dans les rites sacrés et les pratiques juridiques ? (cf. p. 74 à la note).

  1. Dans le détail qu’il nous donne des huit institutions sacrées de Numa, Denys d’Halicarnasse (II, 64), après avoir cité les curions et les flamines, nomme un troisième lieu les conducteurs de la cavalerie (οί ήγεμόνες τών Κελερίων). Le calendrier Prénestin indique pour le 19 mars une fête célébrée au comitium, [adstantibus pon]tificibus et trib(unis) celer(um). Valerius Antias (v. Dyonis, II, 13 et cf. 3, 4) met à la tête de l’ancienne cavalerie romaine, un chef, celer, et trois centurions. On raconte aussi qu’après l’expulsion, des Tarquins, Brutus aurait été tribun des céléres (tribunus celerum : Tit. Liv. I, 59) ; et même, selon Denys d’Halicarnasse (IV, 71), ce serait en vertu de cette charge qu’il aurait provoqué le bannissement des rois. Enfin, Pomponius (Dig. de origine juris, etc., liv. II, § 15, 19) et Lydus (de magist., I, 14, 37), qui le suit en partie, identifient le tribunus celerum avec le Celer de Valerius, le magister equitum (maître de la cavalerie) du dictateur sous la République et le préfet du Prétoire sous l’Empire. Ces données sont les seules que nous possédions sur les tribuns des céléres. Mais la dernière d’entre elles n’émane pas seulement d’hommes incompétents, et écrivant à une époque trop récente ; elle est encore en contradiction avec le sens grammatical des mots tribuni celerum. Ceux-ci signifient seulement chefs des sections de la cavalerie. Sur toutes choses, le maître de la cavalerie des temps de la République, qui ne fut nommé qu’en des cas exceptionnels, et qui plus tard même ne fut plus nommé du tout, n’a pas pu être le magistrat dont l’assistance était requise à la fête annuelle du 19 mars, et dont, par conséquent, l’office était permanent. Laissons donc de côté, il le faut bien, l’indication erronée fournie par Pomponius : elle s’explique par l’ignorance croissante où tout le monde en était arrivé de son temps au sujet de Brutus et de sa légende. Ce qu’il convient d’admettre, c’est que les tribuns des céléres correspondent aux tribuns militaires par leur nombre et par leurs fonctions : c’est qu’ils ont été les commandants des trois sections de la cavalerie d’alors : c’est qu’enfin ils différent essentiellement du maître de la cavalerie, qui d’ailleurs, puisqu’on le voit toujours placé à côté du dictateur, a évidemment existé au même titre à côté des rois. Quand plus tard les centuries de la cavalerie ont été doublées, et nous avons vu comment elles le furent, les trois tribuns ont été portés à six, et sont devenus les seviri equitum Romanorum.