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LIVRE III, CHAPITRE VI

éclatera la guerre de Macédoine, avec quel soin anxieux le Sénat veillera sur l’Italie! Il enverra des renforts dans les principales colonies, à Venouse (554)200 av. J.-C., à Narnia (555), à Cosa (557), à Calès (un peu avant 570)199, 197, 184.
La guerre et la faim avaient décimé d’ailleurs toute la terre italique. A Rome méme, le nombre des citoyens était diminué de près d`un quart, et si l’on suppute le chiffre des Italiens moissonnés par les armes d’Hannibal, on n’exagèrera point en l'évaluant à trois cent mille têtes. Et ces pertes sanglantes tombaient sur le gros des citoyens appelés à fournir aux armées leur noyau le plus solide. Les rangs du Sénat s’étaient incroyablement éclaircis : après la bataille de Cannes, il fallut le compléter : cent vingt-trois siéges seulement y restaient occupés, et ce fut à grand peine, que suppléant aux nécessites du moment, une promotion extraordinaire de cent soixante-dix-sept sénateurs le ramena à son nombre normal. Pendant seize années consécutives la guerre avait·promené ses ravages dans tous les coins de l’Italie, et au dehors, dans la direction des quatre vents du ciel : peut-on douter des souffrances qu’elle avait entraînées dans l’état économique des peuples ? La tradition atteste le fait général sans préciser les détails. Les caisses de l’État romain s’enrichirent, il est vrai, grâce aux confiscations, et le territoire campanien fut changé en une source intarissable pour le trésor. Mais qu’importent les accroissements du domaine public, quand ils sont la ruine des populations et quand ils amènent autant de misère qu’avait fait de bien autrefois le partage des terres communes? Une foule de cités florissantes (on n’en comptait pas moins de quatre cents), gisant détruites et désertes ; les capitaux d’une pénible épargne dissipés; les hommes démoralisés par la vie des camps; toutes les saines traditions des mœurs perdues dans les cités et dans les campagnes: voilà le tableau