Page:Mommsen - Histoire romaine - Tome 6.djvu/31

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caverne des brigands ! Qu’on ne s’étonne pas en voyant cette Tour de Babel financière, fondée sur la suprématie colossale de Rome au dehors, et non sur des bases simplement économiques, s’ébranler à tout coup par l’effet des crises politiques, et chanceler comme ferait de nos jours notre système de papier d’État. L'immense détresse qui se déchaîna sur les capitalistes romains, a la suite de la crise italo—asiatique (années 664 et suiv.), la banqueroute de l’État et des particuliers, la dépréciation générale de la terre et des actions dans les sociétés, voilà des faits constants qui sautent aux yeux ; et alors même que nous ne pouvons plus les étudier de près, ils nous sont connus et par leur nature et par leurs résultats. Faut-il rappeler ici ce juge massacré un jour par une bande de débiteurs insolvables (V, p. 237) ; la tentative faite pour expulser du Sénat tous les sénateurs endettés (V, 238), le renouvellement par Sylla du maximum de l’intérêt (V, p. 248), les créances réduites de 75 pour 100 par la faction révolutionnaire (V, p. 320) ? Mais tandis que dans les provinces l’état économique de Rome avait pour conséquence l’appauvrissement général et la dépopulation, partout en même temps s’accroissait la multitude parasite des Italiens voyageurs, ou résidents temporaires. En un seul jour, en Asie-Mineure, 80,000 hommes d’origine italienne avaient péri, on s’en souvient (V, p. 283). Ils foisonnaient à Délos, ce qu’attestent encore de nombreuses pierres tumulaires : 20,000 étrangers, marchands italiens, pour la plupart, y furent tués aussi par ordre de Mithridate (V, p. 286). En Afrique, les Italiens n’étaient pas moins nombreux : quand Jugurtha assiégeait la ville numidique de Cirta, ils en furent les principaux défenseurs (V, p. 99). La Gaule était pleine de marchands romains. En Espagne seulement, et ce n’est point là peut-être un hasard , l’historien ne trouve pas les traces d’une pareille émigration. En Italie, par contre, la population libre a sans nul doute décru. Les guerres civiles n’ont pas peu contribué, d’ailleurs, à l’abaissement de son chiffre :