Page:Mommsen - Histoire romaine - Tome 7.djvu/148

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144 ` LIVRE V, CHAPITRE VIII sans le concours de César, ou même malgré lui? A cette ' question, la réponse n’est point facile. Je sais bien que Pompée n’y gagnait point tout seul d’être mis à la tète . d'une armée 1 autant en obtenait Crassus, son vieil · ennemi et le vieil allié de César. Evidemment, la puis- · sance nouvellement remise à Crassus servait de contre- poids à la puissance militaire grande mise dans la main ' de·son futur collègue au consulat. Encore César perdait-il infiniment par cela seul que son rival allait échanger son insignifiance actuelle contre un commandement important. Peut—être qu’à cette heure, le Proconsul des Gaules ne se sentait point encore assez maître de ses soldats pour se lancer sans crainte dans une entreprise conLre'les autorités régulières du pays. La guerre civile . éclatant, il lui fallait ramener son armée d’au-delà des Alpes, ce qu’il ne voulait pas faire.,Mais qu’on en vint ` ou non à la guerre civile, n’avait-il pas devant lui les aristocrates de Rome, bien plutot que Pompée?1l semble ` que tout au plus il aurait eu intérêt à ne pas rompre avec lui, pour ne point encourager l’opposition par une telle rupture. Encore une fois, pourquoi lui tant accorder? Peut-être qu’il céda à des motifs tout personnels 1 peut—être se souvint—il du jour ou, se trouvant lui—même sans . crédit et sans force en face de Pompée, celui—ci l'avait sauvé en faisant tout-a-coup retraite, par pusillanimité, 4 il est ·vrai, plutôt que par élan de générosité. Et puis, qui sait s’il ne voulut pas ménager le cœur de sa fille chérie, de l’épouse aimante de Pompée? Dans l’âme de César, combien de sentiments avaient place à coté des ' préoccupations du politique! En tout cas, ce qui le décida, ce fut la Gaule. Quoi, qu’en aient dit ses- biographes, la Gaule, à ses yeux, n’était point, seulement une conquête du moment, bonne à lui valoir la couronne: il y allait pour lui, dans cette vaste entreprise, de la sûreté extérieure de Rome, de sa réorganisation intérieure, en un mot, de tout l’avenir de la patrie. Pour pouvoir ·