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CŒUR MAGNANIME

vivre aussi pour jouir du cher petit être que nous attendions ; mais Dieu y pourvoira ! ce qu’il fait est toujours juste et saint.

« Je voudrais — continua-t-il que vous écriviez à ma famille adoptive. Dites à mes chers parents que je leur demande pardon de tous les torts dont je me suis rendu coupable à leur égard. Qu’ils sachent cependant que je les ai toujours beaucoup aimés et que j’emporte en mourant le souvenir de leurs bienfaits ; ma gratitude les poursuivra même lorsque j’aurai franchi les limites de cette vie. Je me faisais un bien grand bonheur de retourner auprès d’eux… Cher et beau Canada, douce patrie de mon enfance — murmura-t-il — je ne te reverrai plus ! puisque Dieu le veut ainsi : je me soumets ! »

Il s’arrêta un instant, comme pour reprendre le souffle qui s’éteignait de plus en plus. Il reprit : « Vous direz aussi à mon angélique sœur d’adoption que son doux et chaste souvenir m’a accompagné jusqu’au seuil de l’éternité. Je prierai pour son bonheur, hélas ! je l’ai peut-être brisé pour toujours. » De nouveau il s’arrêta, sa voix faiblissait ; luttant contre la fatale défaillance, il fit un effort et poursuivit : « Vous lui direz encore que je lui confie ce que j’ai de plus cher ici-bas : ma femme et mon… enfant ! » En prononçant ces dernières paroles, des larmes sillonnèrent ses joues déjà blémies par les approches du trépas. — « Cher petit enfant — continua-t-il plus bas, afin que sa jeune épouse ne l’entendit pas — je pressens qu’il sera bientôt doublement orphelin. Je conjure ma sœur de ne point l’abandonner… »

« De ses mains défaillantes, détachant le médaillon suspendu à son cou, il le baisa pieusement et il me le