Page:Monod - Portraits et Souvenirs, 1897.djvu/252

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présent, non seulement chez lui, mais dans toutes les réunions de famille, chez son ami, parent et collègue M. Bersier, chez sa sœur, chez son excellent père et son admirable mère que nous perdîmes en 1865, qui lui disait sur son lit de mort. « Tu as toujours été un bon fils, me disant tout ; j’ai vécu avec toi. Combien plus maintenant serai-je unie à toi ! » Il avait la faculté de se donner à tous et d’être tout entier à chacun. Sa porte était toujours ouverte comme son esprit et son cœur ; on le trouvait toujours prêt à vous écouter, à vous parler, à vous conseiller, comme s’il n’avait rien eu d’autre à faire. Aux repas et le soir sa conversation, aussi brillante, aussi animée pour les siens qu’elle l’était dans les cercles étrangers les plus choisis, tour à tour spirituelle ou pathétique, grave ou enjouée, fréquemment mêlée de lectures à haute voix, nous ouvrait tous les horizons de la vie et de la pensée. Théologie, philosophie, politique, poésie, tout ce qui est digne d’être admiré et aimé, il nous le faisait admirer et aimer avec lui, soit qu’il nous parlât de Vinet ou de Neander, soit qu’il nous répétât, en rentrant des séances du Palais-Bourbon, les protestations éloquentes des Cinq contre le despotisme impérial, soit qu’il nous lût des fragments des Misérables, des articles de Sainte-Beuve ou des vers de la Légende des Siècles. Tous les quinze jours il réunissait chez lui quelques jeunes gens pour discuter avec eux des questions de littérature, de philosophie ou de morale.