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SA VIE, SON ŒUVRE


d’enregistrement. Beau déjeuner : dinde aux marrons. En ce déjeuner consiste mon unique occupation de la journée.


Jeudi. — Entrevue avec Arsène Houssaye ; il m’invite à signer le Monde Parisien.

À l’Artiste, je vois Champfleury, un jeune homme de haute taille et de forte corpulence, le regard assez spirituel…

Je commence à m’habituer à Paris, comprenant que, puisque c’est après tout la seule ville où se fabriquent les réputations, il faut bien s’en contenter, faute de mieux.

Mais comme mon rêve était plus beau !

Il est dans Paris des endroits mystérieux, maint établissement particulier que je ne connais pas encore, que je ne veux pas connaître, attendant pour cela que nous y pénétrions ensemble. C’est ainsi qu’au Palais-Royal, je passe au moins trois fois par jour devant ce mythe des provinciaux, qu’on nomme le café des Aveugles. C’est une entrée souterraine. Le café est dans une cave ; on y entend un sauvage qui frappe du tambour et des aveugles qui soufflent de la clarinette. Personne qui ne connaisse cela ? Il ne tiendrait qu’à moi d’y entrer, d’y prendre une demi-tasse. Eh bien, non, je me dis : « Cet hiver, avec Richard ! »

Voilà qui est beau.

Ce n’est pas tout cependant. Depuis tantôt six mois que je suis à Paris, je n’ai rien vu : ni la Gaité, ni les Italiens, ni l’Opéra-Comique, ni le bal Manille… Parole d’honneur, je connaissais mieux Paris lorsque j’étais en province.

Tu connais mieux Paris que moi !

Et l’Odéon ! le diable m’emporte si je sais où il niche. Oblige-moi de me dire comment est fait ce monument ? Ah ! parbleu ! je serais curieux de savoir où trouver l’Odéon. — Beau, Odéon ! Il est très probable que je finirai mes jours à Paris, sans avoir vu l’Odéon. Après cela, peut-être est-il devant ou derrière moi, c’est très possible. Peut-être aussi l’Odéon n’est-