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SA VIE, SON ŒUVRE

Ce serait cependant faire preuve d’ingratitude que d’oublier au nombre des meilleurs amis de Charles Monselet, ses bouquins — ses chers bouquins — auxquels il revenait, sans cesse, auxquels il a consacré la plus grande partie de son temps, auxquels il doit une part de sa réputation.


« … Ce n’est pas exagérer que d’affirmer qu’un cinquième de mon existence s’est passé à bouquiner[1].

» J’ai bouquiné dès ma plus tendre enfance, en allant à l’école : c’était une vocation. J’ai bouquiné étant jeune homme, et j’ai quelquefois oublié un rendez-vous pour une case de volumes poudreux, déchirés.

» Je bouquine encore aujourd’hui ; et si ce n’est plus à un rendez-vous que je manque, c’est parfois à un dîner que je me fais attendre. — Je bouquinerai probablement jusqu’à la fin de mes jours.

» J’ai bouquiné partout où j’ai pu :

» À Lyon, sur la place de l’Hotel-Dieu ; — à Bordeaux, sur les fossés des Tanneurs et les fossés Saint-Éloi ; — à Strasbourg, à la foire aux Guenilles ; — au Havre, près du Collège ; — à Londres, près de Temple-Bar ; — à Bruxelles, dans la Rotonde du Marché ; — à Turin, sous les arcades de la rue du Pô ; — à Florence, devant les Offices ; partout enfin où le hasard m’a poussé.

» Mais nulle part je n’ai bouquiné avec autant de fruit et de charme qu’à Paris… »


Entre ses amis et ses livres, tel était le milieu intelligent où Monselet avait pris pied et où il allait continuer à vivre, entouré de la sympathie et de l’estime générales. Il appartenait, en effet, à cette génération d’hommes de lettres épris de leur art, sincères, convaincus, ayant, comme il l’a dit lui-même, vendu son corps et son âme à la littérature

  1. Le Petit Paris. Paris, 1879.