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SA VIE, SON ŒUVRE

leurs paroles n’aient plus peur ! que cel âge soit sans pitié, enfin ! Et s’il est vrai que la vérité compromette de nos jours, — eh bien ! qu’ils se compromettent !

» Ils auront tout le reste de leur vie pour revenir sur leur accès de courage, pour accepter les transactions et pactiser avec les médiocrités… Mais ils n’auront qu’une fois vingt ans et vingt-cinq ans pour parler à cœur ouvert et à Iront levé, comme des imprudents, comme des dupes, comme des niais, comme des hommes honnêtes !…

» La jeunesse, c’est l’élan !

» Vers trente ans, on commence à faire comme Fontenelle, on referme ses mains pleines de vérités… C’est la seconde phase de la vie, tout aussi logique que la première. Les relations forcées arrivent et se groupent autour de l’écrivain de trente ans… Je ne demande point de feuilletonistes spartiates, d’aristarques en bronze. Je veux seulement que l’on profite de sa jeunesse pour avoir l’honnêteté littéraire. Or l’honnêteté littéraire, c’est la franchise…

» … C’est pourquoi les jeunes gens ont et auront toujours le privilège de la vérité, de la vérité écoutée… Ils sont souriants, contents, enivrés ; ils n’ont pas la conscience des regrets qu’ils s’apprêtent et des obstacles qu’ils accumulent devant leur avenir. Qu’ils se laissent donc aller — jusqu’à trente ans — au courant de leurs impressions ; qu’ils ne craignent pas de pousser trop loin l’expression de leur blâme ou de leur louange ; mieux vaut dépasser le but que de ne le point atteindre. Il est toujours temps d’être sage ; il n’est pas toujours temps d’être fort.

» Hélas ! j’ai eu trente ans, hier. »

La Lorgnette littéraire fit du bruit — beaucoup de bruit, — surtout au cours de sa publication dans la Gazette de Paris ; l’auteur et l’éditeur crurent même devoir retrancher du volume un certain nombre de notices.