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SA VIE, SON ŒUVRE

de ces pointes légères : il s’ensuivit malheureusement une rencontre.

« … J’ai échangé en effet un coup d’épée avec Théodore Barrière — laissons raconter Monselet — à la suite d’une altercation survenue à une première représentation à l’ancienne Gaîté du boulevard du Temple. Tout a été dit sur le caractère de Barrière ; je n’y reviendrai pas. Il croyait avoir à se plaindre de la sévérité d’un compte rendu que j’avais fait d’une de ses pièces les moins réussies, la Maison du Pont Notre-Dame, et il prétendait m’interdire mon droit de critique à l’avenir.

» Dès les premiers mots, la querelle avait pris un tour tel que le choix des armes devait revenir sans conteste à Théodore Barrière. Il constitua sur-le-champ ses témoins, qui étaient MM. Léon Sari et Cochinat. Moi, je courus dès le lendemain matin chez mes amis Albert de Lassalle et Lherminier. Ainsi que je l’avais prévu, l’arme réclamée fut l’épée de combat, et le lieu de la rencontre fut fixé au bois de Meudon. J’employai le reste de ma journée à une visite prolongée au bon Grisier et à son prévôt Barrier, lesquels ne me dissimulèrent pas que ma force à l’escrime était au-dessous de la moyenne.

« À dix heures et demie, le lendemain matin, par le plus beau temps du monde, Théodore Barrière et moi, nous mettions habit bas dans une jolie clairière de Meudon, à deux pas de la maison de campagne de M. Charles Edmond. Des gendarmes survinrent, qui nous enjoignirent d’avoir à cesser toutes hostilités ; ils promettaient de ne pas dresser procès-verbal si, de notre côté, nous uous engagions à ne pas donner suite à nos projets de combat. Nous promîmes tout ce qu’ils voulurent, en les envoyant au diable.

» Certains d’être filés, nous revînmes à Paris, où nous prîmes deux voitures, qui nous transportèrent à Nogent-sur-Marne. Un canot nous aborda à l’île de Beauté, où M. Léon