Page:Monselet - Charles Monselet, sa vie, son œuvre, 1892.djvu/242

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
206
SA VIE, SON ŒUVRE

venus au monde avant moi. Combien ils me gênent dans le peu que j’ai à dire ! Combien ils me semblent se railler à l’avance de ce que je vais tracer dans ma bonne foi et mon désir de bien penser ! Ils hochent la tête tous les deux, en ayant l’air de s’écrier : « Ce n’est pas neuf ! nous avons écrit la même chose il y a dix ans, il y a vingt ans, il y a cent ans ! »

» Eh bien ! tant pis, à la fin ! Sterne et Henri Heine ne m’empêcheront pas de me promener et d’écrire à la française, — tout Anglais et tout Allemand qu’ils soient ? Qu’est-ce que je fais, après tout ? Je suis sur mon domaine, tandis que ces deux étrangers ne doivent peut-être qu’à leur transplantation en France l’agréable et vif parfum de leur génie. Qui ne sait que les orgueilleuses vignes du Johannisberg proviennent des ceps de notre Bourgogne ?

» Et puis, tout bien considéré, je ne peux pas être autre chose que personnel. De quelle façon m’y prendrais-je pour être autrement ? Un pays, une ville veulent être habités au moins quelques mois durant, avant de livrer le secret de leurs habitudes, de leurs mœurs, de leur physionomie sociale. Volney réside trois ans en Égypte et en Syrie, avant d’écrire les Ruines. Moi, je passe, je regarde et je m’en vais. — Il est impossible assurément que ce procédé soit le meilleur, mais est-ce à dire pour cela que je doive me taire absolument ? Tant de braves gens voyagent de la sorte, avec la même rapidité et le même manque de loisir ? Pourquoi ne trouveraient-ils pas dans le livre d’un littérateur aussi pressé qu’eux l’écho de leurs impressions fugitives ? »


L’Espagne enfin, — où Monselet, a marqué ses pas à la manière d’un révérend échappé de quelque couvent de l’Estramadure, — l’Espagne a provoqué aussi toute son admiration.

Ah ! l’admirable lettre datée du pays de Figaro et adressée à M. de Villemessant. Par-ci, par-là, l’aimable touriste mêle au récit de quelque joyeuse aventure un court et tou-