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SA VIE, SON ŒUVRE

On ne peut s’empêcher de sourire à ces titres disparus dont quelques-uns sont restés cependant, prototypes du genre ; mais bien vite on frémit en songeant que ce fatras de la fin du siècle dernier, que cette littérature de transition servit de nourriture intellectuelle au débutant.

Le jeune Monselet dévora tout, tant son appétit était terrible. Il en résulta ceci : c’est que, doué d’une mémoire prodigieuse, il s’assimila bientôt ce xviiie siècle au point d’en oublier sa propre époque et de justifier ainsi le mot attribué plus tard à Xavier Aubryet : « Charles Monselet, c’est le Monsieur qui s’est trompé de siècle ! »


Mais je reviendrai plus loin sur cette prédisposition d’esprit toute particulière, sur cette tendance continuelle à jeter les yeux vers un passé regretté comme s’il avait été vécu ; il suffit d’avoir indiqué l’influence possible de certaines lectures sur le développement de goûts et d’idées propres à l’homme pour comprendre par la suite la caractéristique d’une œuvre et d’un individu.


Charles Monselet a consigné plus tard ses premières impressions dans la préface d’un volume de M. Paul Eudel, les Locutions nantaises (Nantes, Morel, 1884). Cette préface, sous forme de lettre, est en vérité peu connue, le livre de M. Eudel n’ayant été tiré qu’à un petit nombre d’exemplaires ; — je m’empresse donc de la reproduire ici en partie :


Paris, septembre 1884.


Mon cher compatriote,


Ah ! quel monde de souvenirs vous venez de réveiller en moi avec votre petit dictionnaire ! Toute mon enfance y a passé ; je me suis vu revivre dans la partie de ma vie qui m’est la plus chère, et j’ai vu réapparaître aussi ma ville natale, ma ville que j’aime tant et que je