Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/110

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jamais saisi la plume que pour se moquer des femmes ou pour les maudire ; son esprit n’a été perpétuellement occupé qu’à venger son cœur. Dante ? il a voulu railler avec sa Béatrix de neuf ans. Pétrarque ? ah ! Pétrarque ! une oie autant qu’un cygne !

— Plaisanteries et paradoxes, murmura M. Blanchard.

— Après cela, je parle pour moi. Je défie bien les femmes de m’arrêter ou de m’empêcher dans mon chemin. À défaut d’autres mérites, j’ai l’orgueil de mon sexe et je suis jaloux de tous ses privilèges. On dit que l’amour fait accomplir de grandes choses ; c’est possible, mais je plains de tout mon cœur l’homme qui ne fait de grandes choses qu’en vue d’une femme. Livrer bataille pour un ruban ou un baiser, inventer un système de bateaux à vapeur dans l’espoir d’obtenir un regard de deux beaux yeux, voilà des actes de faiblesses indignes. Aussi, je promets bien…

— Ne promettez pas !

— Je jure, alors, dit Philippe en riant.

— Je vous conseille de ne pas jurer.

En disant cela, les yeux de M. Blanchard pétillaient d’une expression très singulière. Ses mots devenaient de plus en plus taquins. On sentait que la conversation allait brûler tout à l’heure entre ces deux hommes. Déjà même, le silence commençait à se faire autour d’eux. M. Blanchard reprit le premier :

— Je vais tâcher d’être aussi poli que possible pour vous dire que je ne crois pas à la prétention que vous avez de vous soustraire à l’influence des femmes.

Le début était précis, Philippe Beyle fit un mouvement.

— Oh ! soyez tranquille, ajouta M. Blanchard ; ce n’est pas à coups d’érudition que je vous répondrai.

— C’est dommage, dit Philippe en ricanant.

— Mes arguments ne gisent pas dans les dictionnaires et dans les livres d’histoire ; ils sont vivants, et c’est ce qui établit leur supériorité.

— Je ne comprends plus.

— Habitué à exprimer hautement et partout mon opinion,