Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/141

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M. d’Ingrande ne l’avait, apparemment, pas écoutée ; car, après qu’elle eut fini, les seules paroles qu’il murmura, comme se répondant à lui-même, furent celles-ci :

— Oui, je suis vieux !

Et ces paroles, il les accompagna d’un sourire amer. Pandore jeta sa cigarette avec impatience et haussa les épaules.

— Qui est-ce qui vous parle de votre âge ? dit-elle ; et où votre fatuité va-t-elle chercher des motifs à ma résolution ? Vous n’êtes ni vieux, ni jeune, vous avez l’âge de tous les gens riches de Paris. Et puis, d’ailleurs, quand même vous seriez cacochyme, quand vous seriez absolument laid, qu’est-ce que cela prouve ? Les femmes, vous le savez bien, s’entichent tous les jours d’un monstre, et n’en portent que plus haut la tête. Trop vieux ! trop vieux ! Ne croirait-on pas, à vous entendre, que mon escalier n’est encombré que de petits messieurs ?

— Je ne dis pas cela, Pandore.

— Qu’est-ce que vous dites donc alors ?

— Je dis, répliqua tristement le comte, que vingt-cinq ans de plus ou de moins changent bien des choses ; qu’une femme est toujours femme, après tout ; et qu’à la voix suppliante, au sourire empressé du vieillard, elle préférera sans cesse la parole dégagée, le geste impérieux du jeune homme.

— Avec de belles moustaches, ajouta ironiquement Pandore, et de beaux cheveux, et un bel uniforme ? C’est ce que vous voulez dire, n’est-ce pas ? Ainsi voilà où vous en êtes : vous vous imaginez, avec tous ceux de votre génération sans doute, que nous raffolons des aides de camp et des jeunes premiers de vaudeville. Eh ! mon Dieu ! il faut bien que les hommes forts disent quelque chose ; au dix-huitième siècle, ils disaient que toutes les duchesses adoraient leurs grands laquais. Ma foi ! si vous ne trouvez rien de mieux à m’adresser, je vous donne le conseil de vous en tenir là, mon cher comte.

Elle se leva.

— Je n’ai pas voulu vous blesser, Pandore.

— Oh ! je le pense bien !

— Ma raison s’efforce d’expliquer votre conduite, et pour cela je me cherche des torts.