Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/177

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qui retenaient mal quelques fleurs, il voyait passer des images de tribunaux et des silhouettes de magistrats ; dans le vent harmonieux de sa voix, il lui semblait reconnaître le grincement d’une serrure sous l’effort d’un monseigneur.

Il craignit de devenir fou ; il sortit du théâtre. Chez lui il trouva une lettre de Pandore, écrite et envoyée par elle avant son départ pour l’Opéra-Comique. Elle était explicite :

« 9 heures du soir.

« Mon cher Philippe,

« Quand vous recevrez cette lettre… oh ! rassurez-vous, je ne serai pas morte, mais je ne vous aimerai plus. Vous avez trop d’esprit pour vous étonner d’un fait si simple, si ordinaire et si prévu. Bien que le temps me presse et que mon coiffeur attende dans l’antichambre, il faut cependant que je vous dise quelques vérités, mon pauvre Philippe.

« Vous ne m’aimez pas, vous ne m’avez jamais aimée, mais pas du tout, croyez-le bien. Je vous ai distrait, je vous ai irrité, rien de plus ; cela a suffi pour que vous vous trompiez vous-même. Faire souffrir plutôt qu’ennuyer, voilà notre secret à nous autres femmes déclassées. Il me reste tant d’autres secrets que je puis bien vous livrer celui-là !

« Notre rencontre a été une méprise ; il n’y avait aucune sympathie entre nous ; nous sommes trop semblables l’un à l’autre. Vous n’avez pas plus de sensibilité que moi : la douleur peut vous faire crier — pleurer jamais. Vous savez garder en toute occasion la conscience de votre supériorité. Aussi, vous pourrez dans votre vie avoir beaucoup d’amours, mais je vous défie d’avoir jamais l’amour.

« Un homme tel que vous, Philippe, n’est pas fait pour une femme telle que moi ; laissez-moi m’éloigner de votre chemin.