Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/21

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Mme Abadie lui adressa un regard de reconnaissance, et reprit :

— Il se peut que, plus tard, dans le monde, vous soyez tenté de rapprocher certains événements de mes dernières paroles. Promettez-moi de ne pas approfondir ce qui doit toujours rester un mystère.

— Je vous promets d’oublier ma mission dès qu’elle sera remplie.

— Bien ! À ce prix, monsieur, et quoique votre position vous fasse heureux et indépendant, une protection invisible planera sur votre vie, tous les chemins seront doux sous vos pas… Oh ! n’allez pas croire que c’est une diseuse de bonne aventure qui vous parle ainsi ; c’est une femme à qui ses relations ont fait une espèce de puissance, puissance obscure, mais certaine, et dont rien, pas même la mort, ne pourra empêcher les effets.

Ces derniers mots avaient épuisé les forces de Mme Abadie. Le monsieur s’en aperçut : il prit le coffret d’entre ses mains.

— Et la clef ? demanda-t-il.

— C’est inutile ; il s’ouvre à l’aide d’un secret connu de la marquise de Pressigny. En outre, les volontés qui y sont renfermées ont été écrites avec une grille particulière.

À mesure qu’elle parlait, les taches rouges augmentaient sur sa robe, en même temps que, par un contraste effrayant, la pâleur dévorait ses traits.

— Est-ce tout ? dit le monsieur, à qui n’échappait aucun de ces alarmants symptômes.

— Prenez vos précautions… pour arriver auprès de la marquise… La plus grande prudence, entendez-vous ?

— Oui, oui ; après ?

— Attendez… Mon Dieu ! accordez-moi un instant encore… Que vous disais-je ?… Non, je ne peux pas…

— Du courage !

— Non… dit-elle, en essayant de relever sa tête ; non… adieu… adieu ! Vous pouvez… rappeler… votre domestique.

Ces mots furent les derniers qu’elle prononça ; des convulsions