Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/224

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— Ah ! petite rouée, Machiavel en collerette, voilà donc de tes inventions !

— Vous avez promis de ne pas me gronder, mon père.

— Soit, mais je n’ai pas promis de ratifier tes folies, je pense.

— Des folies ?

— Ou des rêves, si tu aimes mieux.

— J’ai parlé sérieusement, dit Amélie attristée.

— Je le sais, ma fille ; je le sais, mon enfant. Ton projet vient d’un bon cœur, mais… il est irréalisable.

— Irréalisable ! Pourquoi ?

— Parce qu’un mari ne renoncera jamais à ta dot.

— Vous vous trompez, mon père.

Le comte d’Ingrande hocha la tête.

— Je connais la noblesse actuelle, dit-il ; elle est pauvre et d’autant plus exigea nte.

— Aussi n’est-ce pas parmi la noblesse que j’ai fait un choix, répondit Amélie.

— C’est grave, cela, ma fille. Nous sommes d’un nom et d’un titre qui obligent.

— À quoi, mon père ?

— La comtesse n’a pas dû se faire faute de te l’apprendre.

— Celui sur qui j’ai jeté les yeux est reçu dans le monde.

— C’est déjà quelque chose.

— C’est un jeune homme.

— Bien entendu ! dit le comte en riant.

— Il est fier, il est courageux. Son regard dit la supériorité de son âme et la distinction de son esprit.

— Et de tout cela tu conclus qu’il renoncerait à ta dot ?

— Je suis sûr qu’il ne voudrait devoir sa fortune qu’à lui seul ! s’écria-t-elle avec orgueil.

— Hum ! voilà qui me paraît bien extraordinaire.

— Dites bien naturel, mon père.

— Il ne te reste maintenant qu’à me faire connaître ce rare jeune homme.

Amélie se serra plus étroitement contre son père.

— Vous le connaissez, dit-elle.