Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/244

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— Oui, madame, Mario m’a aidé.

— Et… lui… n’a rien entendu… il ne soupçonne rien ?

— Soyez tranquille, monsieur dort profondément ; j’ai été écouté à sa porte.

— Merci ; voilà pour ta récompense.

— Oh ! madame est trop bonne… Je vais guetter l’arrivée du bateau.

— C’est cela.

Pendant ce court dialogue, Irénée était devenu plus pâle que la plus pâle des étoiles qui brillaient alors sur la mer. Ces mots de bagage et de bateau l’avaient éclairé, si toutefois on peut dire que la foudre éclaire l’homme qu’elle frappe. Il entendit ensuite Marianna, restée seule au jardin, murmurer ces paroles :

— Allons, il le faut ! Irénée peut vivre ; que ferais-je plus longtemps auprès de lui ? Mon rôle de bon ange est fini, mon rôle de mauvais ange va recommencer.

Puis elle tomba dans une de ces rêveries sans fond qui précèdent toujours les résolutions suprêmes, et qui rappellent les veilles d’armes. Or, c’était bien une veille d’armes, en effet, qu’accomplissait Marianna. Se soutenant contre les murailles, ne faisant qu’un pas toutes les dix minutes, Irénée n’eut que la force de se jeter dans un fauteuil. Là, ce qu’il souffrit pendant deux heures, les réflexions qui déchirèrent son âme, le sillon brûlant tracé sur chacune de ses joues, quelquefois le sourire amer qui effleurait sa bouche décolorée, semblable à ces flammes fugitives qui voltigent sur une tombe, tout cela, on l’imaginera.

Ces deux heures écoulées, aucun bruit ne se faisant entendre, Irénée crut qu’il avait été le jouet d’un cauchemar. Au point du jour, la réalité le ressaisit. Il vit la femme de chambre aller et venir ; il reconnut la voix de Marianna disant :

— Hâtons-nous !

Il voulut la rappeler ; mais le destin lui sauva cette dernière lâcheté ; son cri resta dans la gorge. Il essaya de s’élancer,