Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/272

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cet âge (ce sont les médecins qui le déclarent) le mal passe ou redouble. Il a redoublé. Aucune espérance ne m’est plus permise.

— Quels sont donc vos projets ?

— Je périrai accidentellement.

— Accidentellement ? répéta la marquise, devenue pâle.

— Oui.

— Oh ! je vous comprends ; mais vous n’y songez pas. Terminer ainsi une vie d’affection et de vertus !

— Condamnée par la science et par la nature, je hâte de quelques jours le dénouement de ma déplorable existence ; voilà tout, dit Mme Baliveau.

— Mais le ciel ? dit la marquise.

— Mais ma fille !

— Vous reviendrez sur cette épouvantable résolution.

— Je vous assure, madame la marquise, que personne ne dira que je me suis suicidée. Vous allez me comprendre. Notre petite maison est la plus élevée d’Épernay : elle a trois étages. Au troisième étage se trouve la chambre de ma chère Anaïs. Un de ces jours, j’y monte avec la domestique pour changer les rideaux des croisées. C’est bien simple. Je veux absolument m’occuper moi-même de ce détail ; en conséquence, la domestique approche une table. Elle me fait quelques observations sur le danger que je cours, car c’est une bonne fille, cette Catherine ; je lui rappelle que c’est moi qui commande, et, pour enlever la tringle, je monte aussitôt sur la table. Un éblouissement me prend. La fenêtre est ouverte. Je tombe naturellement sur le pavé.

— C’est affreux.

— J’aurai du malheur, n’est-ce pas, madame la marquise, si l’on me relève vivante ?

Mme Baliveau, en parlant ainsi, avait le sourire sur la bouche.

— Oh ! taisez-vous ! s’écria la marquise de Pressigny ; si l’on vous entendait !

— Non, dit Mme Baliveau.

Pour plus de précautions, elle alla entrouvrir la porte, afin de s’assurer que personne n’était aux écoutes.