Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/274

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pauvre Anaïs. Qu’elle soit mon héritière, qu’elle me succède dans notre association. Soyez sa protectrice, je vous en conjure.

Mme Baliveau avait les larmes aux yeux. Depuis quelques instants, la marquise de Pressigny paraissait absorbée dans ses réflexions. En sentant tomber des pleurs sur ses mains, qu’avait saisies Mme Baliveau, elle lui dit :

— Une somme de soixante mille francs vous rassurerait sur l’avenir de votre fille ?

— Oui, madame, et je mourrais alors avec joie, au lieu de mourir dans les angoisses de l’inquiétude.

— Vous ne croyez donc pas à notre association, puisque, dans une situation aussi épouvantable, l’idée ne vous est pas venue de vous adresser à elle ?

— Comment n’y croirais-je pas, dit Mme Baliveau, lorsque c’est à cette association que je dois mon éducation, mon mariage et ma dot ? Pouvais-je lui demander quelque chose de plus ? Notre franc-maçonnerie n’est pas une banque. Et puis, vous le savez, j’ai toujours été une sœur bien peu utile ; rarement on m’a mise en réquisition ; mes faibles services ne peuvent pas se comparer aux bienfaits que j’ai reçus. Je mourrai reconnaissante, mais insolvable.

— Insolvable ? non. Il vous reste votre tire de franc-maçonne, et ce titre est une valeur.

— Une valeur ? dit Mme Baliveau, incrédule.

— La preuve, c’est que je vous propose de vous l’acheter.

— Vous, madame ?

— Écoutez-moi. Je désirerais qu’une de mes parentes appartînt à notre société. Au lieu de désigner votre fille pour vous succéder, désignez ma nièce ; substituez sur votre testament au nom de Mlle Anaïs Baliveau le nom de Mme Amélie Beyle, et je vous offre ces soixante mille francs, qui sauveront l’honneur de votre mari et la dot de votre enfant.

Mme Baliveau tremblait de joie.

— Parlez-vous sérieusement ?

— N’en doutez pas, dit la marquise, aussi émue qu’elle.

— Oh ! madame, dans ce cas, laissez-moi vous remercier à genoux !