Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/283

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Désormais, lorsque vous comparerez l’homme que je suis avec l’homme que j’ai été, vous comprendrez que vous avez opéré une transformation. Ces femmes m’avaient fait sceptique et impitoyable ; vous, Amélie, vous m’avez rendu croyant et bon. À chacune ses œuvres.

— Philippe, j’ai été plus faible que vous ne le pensiez ; ces lettres m’avaient alarmée un instant ; je m’en accuse et j’en rougis. Pardonnez-moi, car je vous aime.

En dépit de sa prétendue assurance, Philippe Beyle s’empressa de faire maison nette, c’est-à-dire de changer immédiatement ses principaux domestiques. Sauvé par une audacieuse inspiration, il n’en était pas moins inquiet pour l’avenir. La main de Marianna s’appesantissait décidément sur lui ; ses menaces, qu’il avait d’abord dédaignées, puis oubliées, commençaient à se réaliser depuis quelque temps. Ce premier coup, entre autres, avait été sûrement et habilement porté ; il eût suffi à dénoncer une imagination féminine. Détruire le prestige de Philippe aux yeux d’Amélie, ruiner l’époux dans l’esprit de l’épouse, tel avait été le but de Marianna.

Philippe avait déjoué ce but. Il avait vaincu une première fois. Mais vaincrait-elle toujours ? Le caractère de Marianna lui était connu ; de sa part, il pouvait s’attendre à tout. Une telle perspective n’avait rien de rassurant pour la paix de son ménage. Quel parti devait-il prendre ? Après être entré avec Amélie dans la voie des confidences, devait-il lui avouer les motifs de cette vengeance suspendue sur les deux têtes ? Devait-il lui raconter longuement sa liaison avec Marianna, lui dire les mépris et les dégoûts dont il avait abreuvé cette femme ?

Philippe comprit qu’il avait trop à perdre à ce récit. Il est une nature de révélations dont on peut charger volontiers le hasard, mais qu’il importe de ne pas faire soi-même. Il aurait fallu expliquer, justifier la haine terrible de Marianna.