Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/30

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— Ce monsieur a pris la pièce d’or en riant, il l’a mise dans sa poche. Et puis…

— Et puis, quoi ?

— Et puis… il a dit qu’il reviendrait demain.

Mme d’Ingrande se mordit les lèvres de colère, tandis que la marquise de Pressigny avait toutes les peines du monde à contenir une envie de rire.

— Retirez-vous, dit Mme d’Ingrande à Thérèse.

Quand la femme de chambre fut sortie :

— L’impertinent ! s’écria-t-elle, en dirigeant ses regards sur Amélie et la marquise.

Mais la tante et la nièce brodaient, avec un parti pris de silence.

— Il est bien étrange, continua Mme d’Ingrande, à qui pesait sa propre irritation, que vous ne preniez point la défense de cet inconnu ! Ce serait là, cependant, un beau thème à vos paradoxes. L’avez-vous entendu, madame ? Il reviendra demain !

— Oui, et peut-être après-demain, ajouta tranquillement la marquise.

— Quelle effronterie ! Je le ferai chasser par Baptiste et Germain.

— Prenez garde, ma sœur, cela ne se fait plus guère aujourd’hui. Vos procédés, sont, comme mes théories, empruntées à des mœurs… dont il ne reste plus de traces.

— Alors, je m’adresserai au maire de la Teste.

— C’est mieux, cela.

— Et je le prierai de me débarrasser de cet importun.

— À la bonne heure !

Mme d’Ingrande se tut. L’incident était vidé, comme on dit en style parlementaire. Les trois femmes reprirent leurs aiguilles, et n’interrompirent plus leur occupation que pour jeter de temps en temps un regard sur la plage, et respirer cet air de la mer qui, à la Teste, semble être plus puissant qu’ailleurs.

Mme d’Ingrande, qui surveillait de fort près l’éducation de sa fille, n’avait pas choisi sans dessein cette magnifique solitude. Ainsi qu’on a pu le remarquer déjà, le caractère de la comtesse d’Ingrande avait été trempé aux sources les plus limpides et