Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/344

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— Je vous le répète, Philippe, ce secret n’est pas le mien.

Le visage de Philippe Beyle subit une contraction douloureuse. Amélie s’en aperçut.

— Philippe, reprit-elle avec un accent de tendresse infinie, il est impossible que vous n’ayez pas en moi une confiance pleine et entière. Vous savez si je vous aime ; au nom de cet amour, qui est et sera le bonheur de toute ma vie, je vous supplie de ne pas insister. Vous ne pouvez pas douter de mon honnêteté : que cela vous suffise.

— La pensée qu’il y a dans un coin de votre cœur une ombre impénétrable pour moi, cette pensée détruit ma tranquillité autant qu’elle offense mon juste orgueil.

— Votre orgueil, en effet, murmura-t-elle.

— Le nôtre, Amélie. Je suis votre protecteur unique, votre conseil absolu, votre guide responsable. Quels que soient les engagements que vous ayez pu prendre, mon autorité les rend nuls ; vos scrupules peuvent se regarder comme à l’abri sous ma volonté.

— Encore une fois, Philippe, votre honneur n’est pas en cause.

— Je l’ignore.

— Croyez-moi !

— La confiance, pour les esprits de ma trempe, ne naît que de la certitude.

— Votre réponse est cruelle.

— Pas autant que votre hésitation.

— Je suis la fille de Mme d’Ingrande, je suis votre femme. Votre nom sera toujours dignement porté.

— La fille de Mme d’Ingrande soit. Mais si vous ne m’appartenez pas entière, vous ne m’appartenez pas du tout.

— Oh ! Philippe !

— Vos velléités d’indépendance me créent une position que je ne puis accepter. Le mari fort fait la femme respectée. Il faut que je sois fort. Je veux tout savoir, Amélie.

— Même au prix d’une horrible trahison ?

— Vous ne trahissez personne en me confiant un secret qui m’appartient de droit, tandis que vous trahissez la foi conjugale en me dérobant ce secret.