Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/357

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dans le tonneau des Danaïdes ; ce jour-là, il mourut. Sa femme fit sonder les murs, éventrer les paillasses, démolir les manteaux de cheminées, découdre les fauteuils, casser les bambous en deux, dévisser les pieds de table, ouvrir les livres feuillet à feuillet, et quand elle eut mis la main sur l’argent que le luthier avait caché partout, elle alla jouer dans ses repaires ordinaires.

Mme Brinois a fermé le magasin de son mari, mais elle n’a pas eu le temps de vendre son fonds. Quand l’argent vient à lui manquer, elle a recours aux Stradivarius, aux Guarnerius, aux Amati, et pour peu qu’elle n’en trouve pas un prix raisonnable, elle les expose comme enjeux. On la vue arriver au tripot avec un ophicléide sous le bras ; dès que la main lui venait, en termes de lansquenet, elle posait gravement le mélodieux tuyau de cuivre sur le tapis, en disant : « Il y a un ophicléide ! » du même ton qu’elle aurait dit : « Il y a un louis. »

On devine que la veuve Brinois est plus onéreuse qu’utile à ses sœurs de l’association. Ses demandes d’argent sont incessantes ; et souvent, pendant les séances, elle a poussé le cynisme jusqu’à chercher à organiser des banquo clandestins. Elle mourra dans l’impénitence finale et méritera d’être enterrée sous un chandelier de maison de jeu.

Élisabeth Ferrand, mariée au célèbre procureur général Ferrand, est une des puissances de la Franc-maçonnerie des femmes. Elle est belle, elle est gracieuse, elle est spirituelle. Habile à conduire les hautes intrigues jusqu’au sein de la magistrature, elle excelle dans l’art d’influencer et même de transformer les convictions. C’est dans son salon, un des plus charmants et des plus sérieux de Paris, que la Franc-maçonnerie tend à la justice ses filets roses, ses lacs de gaze. Du grave et irréprochable Ferrand elle a fait, sans qu’il s’en doutât, le plus