Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/44

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— De quel côté se sont-ils dirigés ?

— Ma foi ! vous voyez un homme qui n’en sait rien… Ah ! mais j’y pense ! dit M. Huot en se frappant le front.

— Quoi donc ?

— M. Blanchard était là quand ils se sont embarqués ; il n’a pas quitté l’hôtel d’aujourd’hui. Il vous renseignera parfaitement.

— Croyez-vous ?

— Vous voyez un homme qui peut vos l’affirmer.

Sans écouter cette dernière phrase, qui était à tous les discours de M. Huot ce qu’est un refrain à une ballade, Irénée s’empressa de gagner l’escalier du premier étage, où s’étendait le grand salon de l’Hôtel du Globe et des Étrangers. Il y trouva M. Blanchard qui se promenait de long en large.

M. Blanchard avait passé la quarantième année ; c’était un homme assez laid, mais sa laideur était celle des gens d’intelligence et de grande éducation. Au premier aspect on pouvait le prendre pour un Anglais, sur le calme de ses manières et le ton mesuré de sa conversation. On était détrompé bientôt par ses échappées : c’était tantôt un paradoxe inouï qui dardait une langue de vipère entre les fleurs de son honnête éloquence ; c’était sa bouche, jusque-là si candide, qui se desserrait pour mieux décocher l’épigramme sifflante ; c’était la vie extraordinaire qui se peignait tout à coup dans ses yeux bien français. Il était un peu gros, mais son embonpoint n’avait rien de vulgaire, et son esprit original y gagnait un masque de plus.

À la vue d’Irénée, M. Blanchard tira un porte-cigares.

— Fumez-moi cela, dit-il en faisant craquer sous ses doigts un pur havane.

— Volontiers, répondit Irénée, mais à une condition.

— Voyons votre condition ?

— C’est que cela ne vous empêchera pas de continuer à vous promener dans cette chambre, si du moins tel est votre bon plaisir.

— Soit, dit M. Blanchard.