Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/58

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— Montons dans ma chambre, ajouta Irénée ; nous y serons plus à notre aise qu’ici.

Ils quittaient la plage, lorsqu’Irénée s’entendit appeler à quelques pas. C’était le batelier connu sous le nom étrange de Péché.

— Eh bien, que me veux-tu ? dit Irénée.

Se tournant vers M. Blanchard.

— Êtes-vous curieux de connaître un sorcier testérin, un jeteur de sorts, un paysan à maléfices ? Tenez, regardez-vous moi cette face-là.

Péché sortait en ce moment de son bateau, où il était resté pendant toute cette conversation. Il souriait, mais comme sourient les paysans quand on se moque d’eux. Son visage, qui avait la tête couleur brun-rouge d’une pomme de pin, offrait un amas de rides qui le constituait en état de grimace permanente. C’était pourtant un homme dans la force de l’âge, trapu, musclé comme un triton de Rubens ; mais sa lutte quotidienne avec les éléments l’avait revêtu d’une écorce qui semblait ne plus appartenir à l’espèce humaine. Son costume était simple : une chemise bleue et un pantalon de toile, retroussé sur le genou. Pas de chapeau : sa crinière épaisse lui en tenait lieu.

— Faites excuse, dit-il en s’approchant d’Irénée ; mais comme vous paraissez connaître cette jeune dame, j’ai supposé que vous consentiriez peut-être à vous charger d’une commission auprès d’elle.

— Une commission ? de toi ? fit Irénée.

— Oh ! il ne s’agit que de lui rendre cet objet que je viens de trouver dans mon bateau.

En même temps, Péché présentait un de ces petits livres reliés en chagrin et connus sous le nom de carnets anglais. Irénée le prit ; mais s’adressant au batelier :

— Qui te dit que cet objet appartient plutôt à elle qu’à lui ?

— C’est que la dame écrivait dessus, quelques minutes avant de tomber dans l’eau.