Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/81

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

bout de ce laps de temps, j’écrivis, je pris des informations, je sus que Marianna et lui avaient quitté Bruxelles et qu’ils voyageaient ensemble. Grâce à un valet de chambre que je mis sur leurs traces, j’appris qu’ils devaient passer un mois aux bains de mer de la Teste-de-Buch. J’ai pris les devants et suis venu y attendre mon adversaire. Le reste vous est connu.

Depuis qu’il écoutait et qu’il regardait ce jeune homme, l’attitude de M. Blanchard était devenue sérieuse et réfléchie.

— Je vous ai promis de vous servir de témoin, lui dit-il ; je vous en servirai. Vous devez vous battre, je le reconnais ; en conséquence, demain j’irai trouver M. Philippe Beyle.

Il se leva.

— Toutes armes vous sont indifférentes, n’est-ce pas ? ajouta-t-il.

— À demain donc, et… préparez ma présentation chez Mmes d’Ingrande et de Pressigny, dit-il en souriant ; vous savez combien j’y tiens.

Il se retira sur ces paroles. Demeuré seul dans sa chambre, Irénée se souvint du carnet anglais qui lui avait été remis par le batelier Péché. Ce carnet appartenait en effet à Marianna ; ses initiales étaient gravées en or sur la reliure ; un petit crayon le fermait, comme un verrou ferme une porte. Irénée tira le verrou. Tout scrupule lui semblait puéril dans les circonstances suprêmes où il se trouvait ; et, au moment d’exposer sa vie pour une femme adorée, il ressaisissait d’elle tout ce qu’il pouvait en ressaisir.

Il ouvrit donc le carnet, sans hésitation, mais non sans émotion. C’était comme un dernier entretien qu’il allait avoir avec Marianna ; c’était sa pensée avec laquelle il allait communiquer pour la dernière fois. Ses yeux se mouillèrent lorsqu’ils reconnurent l’écriture. Comme tous les petits cahiers de ce genre, ce carnet était une sorte de journal intime, où, parmi des dates insignifiantes et des adresses de fournisseurs, se rencontraient par intervalles des pensées écrites sous la fièvre des plus douloureuses impressions. Nous n’en détachons que les plus caractéristiques.