Page:Monselet - Les Aveux d’un pamphlétaire, 1854.djvu/48

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portant la scène tantôt à Caen, tantôt à Lille, il montra la Clairon en partie d’officiers, ou bien passant des bras d’un marquis dans ceux d’un traitant. C’est un livre abject en somme, et sans style, qui déshonora son auteur. Je n’en ai parlé que pour rappeler l’origine du sobriquet plus que galant de Frétillon.

D’autres ont pu élever jusqu’aux nues les talents de cette nouvelle Melpomène, comme on l’a appelée (ô ma pauvre Adrienne Lecouvreur !) ; pour moi, je dirai simplement que je ne pouvais pas la souffrir. Au théâtre, ce que je détestai toujours le plus, ce sont les génies académiques ; ceux qui ne laissent, rien à faire à la nature ; ceux dont la sensibilité ne se meut que par des ressorts. On a dit de Clairon que nulle ne poussa l’art plus loin ; cela est possible, mais son talent était comme son nom, — quelque chose de sonore et de froid ; — et je me moque de l’art en matière d’émotion ! Je préfère alors mille fois la Dumesnil, à qui la passion et le vin sortaient par les yeux !

Je n’étais pas le seul de mon avis, mais j’étais le seul qui l’exprimât tout haut, car une tragédienne ne m’a jamais fait peur, — surtout une tragédienne