Page:Monselet - Les Aveux d’un pamphlétaire, 1854.djvu/74

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où veillaient constamment l’angélique patience et la tendresse qui encourage. Je redoutais la consolation encore plus que le reproche ; la bonté m’irritait. Je gagnai à cette humeur maussade quelques vices de plus, et, descendant les derniers degrés de l’échelle sociale, j’arrivai à ne me plaire que dans la compagnie des malheureux ; je hantai les cafés équivoques, les cabarets de la Courtille, je goûtai un acre plaisir à m’enfoncer chaque jour plus avant dans les fanges.

Il me fut donné alors d’apprécier le dévouement admirable de Denise. Toujours riante, même au milieu du plus profond dénûment, elle opposait à notre mauvaise fortune un génie vraiment inventif. Lorsque, les mains vides , je revenais silencieusement m’asseoir au coin de la cheminée sans feu, c’était elle qui s’efforçait d’improviser un repas égayant. Dans les moments extrêmes , elle savait trouver des ressources que je n’eusse jamais soupçonnées : tantôt c’était le traiteur qui avait consenti à s’humaniser jusqu’à la fin de la semaine, tantôt c’étaient deux ou trois pièces d’argent miraculeusement retrouvées dans le fond d’un tiroir. Je