Page:Monselet - Les Aveux d’un pamphlétaire, 1854.djvu/82

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c’est leur sommeil, presque toujours frère du délire, plein de faiblesses et de terreurs, de larmes et de souvenirs ; sommeil dépensé en accès puérils de courage, de passion ou de désespoir ; quelquefois, aussi, entrecoupé de sublimités et d’aperçus étranges qu’on ne peut pas réussir à se rappeler. — Le sommeil raille la vie ; il joue au roman avec les ressorts distendus de l’imagination ; c’est un chat entré dans un cabinet pendant l’absence du maître, et qui promène à l’étourdie sa patte sur toutes sortes de papiers classés, qu’il dérange, qu’il dissémine. J’ai toujours eu peur de mon sommeil, comme on a peur d’un invisible adversaire.

Et puis, le sommeil à soixante et dix ans, quand on n’est arrivé à rien, quand on sait qu’on n’arrivera plus à rien, quand on s’aperçoit cruellement de la déconsidération qui vous entoure, et qu’on n’est plus assez fort pour la braver ; — le sommeil, quand on n’a pas acquis le droit de s’y livrer, c’est horrible !

Je m’endormais cependant.

Le bruit des écus remués, les exclamations des joueurs, les rires étouffés des femmes m’arrivaient à travers