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CUBIÈRES.

mon cœur, ses torts sont tous lavés : il m’a sauvé la vie, je ne suis point ingrat[1]. »

Un pareil trait, on en conviendra, n’est pas du fait d’un révolutionnaire forcené. Cette phrase, que l’on aura remarquée : « Le chevalier avait toujours eu du goût pour le gouvernement populaire », semblerait en outre détourner de lui ou du moins atténuer le reproche d’apostasie qui lui a été adressé.

Pour moi, je crois à la réalité de tous les enthousiasmes de Cubières. Il a accepté la Révolution française comme un nouveau sujet proposé par Dieu pour le concours de poésie. Un fait à l’appui, c’est son acharnement à se parer du nom de poëte de la révolution, et son obstination à en solliciter publiquement le titre officiel. « Je l’ai mérité plus qu’un autre, s’écrie-t-il dans une de ses préfaces : d’abord c’est moi qui, le premier, ai salué l’avènement de la Révolution ; ensuite c’est moi qui lui ai consacré le plus de vers ! » Cette dernière raison surtout lui semble concluante.

Si l’on ne jugeait, en effet, les poëtes que par le nombre de leurs productions, Dorat-Cubières l’emporterait facilement sur tous ses rivaux. Dans la foule de ses ouvrages, je dois citer deux volumes qui parurent en 1793 avec ce titre légèrement étrange : « Œuvres choisies de Dorat-Cubières, recueillies et publiées par Annette Delmar, pour servir de suite aux poésies de Dorat. » Quelle était cette Annette Delmar ? quelle était cette admiratrice fanatique du

  1. Lettres sur quelques particularités secrètes de l’histoire pendant l’interrègne des Bourbons, par M. le comte de Barruel-Beauvert, tome I, p. 192.